DE GRANDES ESPERANCES

Jeune femme d’origine modeste, Madeleine (Rebecca Marder) est une étudiante brillante. Elle passe l’été en Corse, dans la maison de son fiancé Antoine (Benjamin Lavernhe) où ils préparent ensemble le grand oral de l’ENA. Les deux jeunes gens aspirent à une carrière dans les hautes sphères de la politique. Ils sont jeunes, passionnés, ambitieux, remplis d’idéaux. Un matin, sur une petite route déserte, le couple se trouve impliqué dans une altercation qui tourne au drame. En quelques instants, leur vie quitte la trajectoire rectiligne qu’ils avaient imaginée.

Mêlant un fait divers tragique au récit d’un parcours professionnel ambitieux, Sylvain Desclous réalise un film intelligent qui tient le spectateur en haleine de bout en bout. Madeleine est une jeune femme brillante qui rêve de participer à la construction d’un monde plus juste. Pour elle, la meilleure façon d’y arriver est de faire de la politique. Devenue principale collaboratrice d’une parlementaire de gauche (Emmanuelle Bercot, impeccable), Madeleine a trouvé la porte d’entrée pour réaliser ses idéaux. Elle rêve d’économie sociale et solidaire, de gestion participative, de lois qui pourraient rendre le pouvoir aux travailleurs. Elle croit en ses idées, les défend intelligemment. Elle est aussi très douée en communication politique et elle parvient à convaincre en utilisant les bons mots. Elle est attachante car passionnée. En face d’elle, Antoine semble plus réservé. Rejeton unique d’une famille bourgeoise, ses discours font écho à ceux de Madeleine mais n’ont pas la même authenticité. Ils font d’ailleurs bien rire son père, avocat fortuné, qui n’hésite pas à lui rappeler combien il est facile de parler de justice sociale quand on est bien né !

De grandes espérances se focalise essentiellement sur le personnage de Madeleine, racontant son parcours de jeune ambitieuse dans cet univers si particulier qu’est celui des hommes et des femmes politiques. On la voit travailler avec acharnement, suivre sa députée en campagne, partir à la rencontre des travailleurs au sein de leurs entreprises. Mais en filigrane, il y a ce drame corse qui refuse de disparaître de sa vie et qui lui rappelle sans cesse que sa carrière ne tient qu’à un fil. Un fil qui s’appelle peut-être Antoine d’ailleurs.

Le scénario et la mise en scène de Sylvain Desclous sont efficaces : c’est une bonne histoire, bien racontée et surtout très bien interprétée. Les deux personnages centraux ont de multiples facettes. Ils nous désarçonnent plus d’une fois au cours de ce récit qui bouscule et le duo Marder-Lavernhe s’empare de Madeleine et d’Antoine pour nous livrer un récit haletant de bout en bout.

LAURENCE HOTTART, les Grignoux