Dans un mouvement plein d’intensité et de générosité, cette fresque italienne contemporaine révèle les contrastes de nos destinées humaines, en mariant l’effervescence de la vie sentimentale à la mélancolie du temps qui passe
La terrasse d’une grande maison bourgeoise, quelque part en Italie, aujourd’hui. Giulio, un quinquagénaire tout de costume vêtu, prend l’air, le regard perdu dans ses pensées. Derrière lui, à l’intérieur, l’ambiance de la soirée est à la fête. Quelques secondes plus tard, par la magie d’un flash-back, on retourne dans le passé de Giulio, à ses 16 ans, au cœur des années 1980 et de la puissance de sa jeunesse. On quitte l’intérieur d’une soirée musicale pour rejoindre les secousses d’une rue lors d'une manifestation. À partir de là, le film remonte le temps pour raconter la trajectoire de Giulio et celle de ses amis d’enfance, Gemma, Paolo et Riccardo. On va les regarder grandir ensemble, traverser l’adolescence, devenir adultes, se perdre de vue, se retrouver, parcourir cette route improbable qu’est la vie, faite autant d’espoirs que de désillusions, d’amours et, surtout, d’amitié. Le film raconte la vie intime ancrée dans le monde et dans ses bouleversements socio-politiques (chute du mur de Berlin, attentats du 11 septembre 2001…) qui apparaitront ici et là, l’espace de brefs instants marquants. Ces destinées sentimentales, le réalisateur nous les raconte dans un geste aux couleurs baroques qui assume sa grande part de romanesque fiévreux, pour preuve ces séquences d’échanges épistolaires entre deux personnages amoureux comme on n’en fait plus. « Ne laissez pas le monde vous définir, c’est à vous de définir le monde », s’exclamera l’un des protagonistes d’un film sans temps mort, telle la vie de nos héros jamais à bout de souffle. Le montage joue de la synthèse et de l’ellipse pour nous emmener d’une année à l’autre, d’un décor à l’autre, emporté dans ce tourbillon de la vie, obsédant et fascinant jusqu’au bout. La caméra virevolte autour des personnages et renforce leur état d’euphorie total. Régulièrement, ils se tournent vers la caméra en plein milieu d’une séquence et s’adressent à nous pour nous faire part de leurs sentiments, de leur détresse, aussi pour nous lancer des pistes sur la suite de l’histoire. Le coup est formellement culoté et apporte un côté ludique qui colle bien à ce film haut en couleur, assez audacieux à sa manière. Gli anni più belli souligne le rôle (souvent réparateur, ici) joué par le temps qui passe sur les relations et les mentalités. Giulio, Gemma, Paolo et Riccardo cherchent vaille que vaille à rester debout et dignes, à ne pas (plus) faire de mal aux autres, à trouver encore et toujours le temps pour l’émotion et l’empathie. Tout est dit.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux