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Présenté en compétition au Festival de Cannes, ce film d’animation à l’esthétique minimaliste et picturale de Michel Hazanavicius est une évocation bouleversante et tout en subtilité de la Shoah
Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron et une pauvre bûcheronne. Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégé quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari, et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jetée du train. Leur histoire va révéler le pire comme le meilleur du coeur des hommes…
Michel Hazanavicius est l’auteur d’une oeuvre passionnante qui entre en résonnance avec l’histoire du cinéma, de manière tant légère que profonde. On pense inévitablement au cinéma des premiers temps avec The Artist et, plus récemment, au film d’horreur comique avec Coupez !
À chaque fois, il s’essaye à un style particulier dont il adopte les codes avec l’humilité et la rigueur des cinéastes qui ne confondent jamais la parodie avec l’hommage. Avec cette adaptation d’un conte de Jean-Claude Grumberg, il aborde pour la première fois le cinéma d’animation. Soutenu par un graphisme épuré aux références picturales et une narration minimaliste, cette histoire nous connecte à l’une des plus grandes tragédies de l’Humanité : la Shoah.
L’approche du sujet est essentiellement suggestive, par les hors champs, la métaphore et le caractère aussi figuratif qu’abstrait des dessins. Formellement singulier, La plus précieuse des marchandises est le projet d’un cinéaste qui explore les potentialités de l’animation pour mieux faire travailler notre imaginaire et nous surprendre, à la manière d’un écrivain qui nous distancierait du romanesque par une approche poétique de son écriture. Cette histoire, elle vit longtemps en nous car tout y prend la forme d’une expérience hors du commun, ce qui nous connecte de façon bouleversante aux personnages.
Michel Hazanavicius sait que parler d’un tel sujet demande de trouver le juste équilibre entre la retenue et l’émotion, inévitable, entre un certain classicisme et une audace expérimentale qui aidera à transcender le réel, à évoquer l’horreur sans renier la poésie. Cela passe par des séquences d’une intensité folle où nos repères s’envolent, où tout ne devient que douleur mais aussi lumière, car Michel Hazanavicius est un cinéaste humaniste. Il croit en l’avenir, à la beauté, mais nous rappelle l’absolue nécessité de connaître les tragédies du passé pour mieux comprendre ce qui se joue aujourd’hui et potentiellement demain.
La vision de ce film déchirant évoque la barbarie et la bonté, la vie et la mort, ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas, ce que l’on dit et ce que l’on tait. C’est une oeuvre essentielle qu’il semble impossible de manquer, visuellement splendide, pensée pour le grand écran car Michel Hazanavicius est un cinéaste qui aime le cinéma.