Ce cinéaste au bord de la crise de nerfs, c’est Marc Becker, interprété par un Pierre Niney burlesque et déjanté. Le film de Gondry commence alors que celui de Marc est sur le point de s’arrêter. Dans une salle de réunion, entouré de producteurs mécontents, Marc est sommé de céder les rushes de son film car celui-ci ne répond aucunement au cahier des charges préétabli. Mais au lieu de ça, il s’échappe et embarque tout son matos, sa monteuse (Blanche Gardin) et son assistante dans sa voiture, direction les Cévennes, chez sa vieille tante Denise (Françoise Lebrun), là où il pourra terminer ledit film tranquillement. Sauf qu’il est loin d’être tranquille et que pour éviter de visionner les quatre heures de rushes qu’il lui reste à monter, Marc se disperse dans toute une série de digressions poétiques qui, chacune à leur tour, le renvoient immanquablement à de nouvelles idées qu’il enjoint alors immédiatement à son équipe de réaliser, tout cela dans une effervescence créatrice proche de l’implosion, mais où, pourtant, et contre toute attente, tout finit toujours par faire sens. L’une de ses idées consiste à écrire le Livre des solutions, un recueil de réponses à tous les conflits, qu’ils soient domestiques ou internationaux et où l’on trouve par exemple comme principe que les objets ne nous veulent pas du mal et que, de ce fait, ça ne sert à rien de les frapper. Livre supposé l’aider dans la mise en œuvre de son projet final et dont l’écriture en train de se faire vient ponctuer le rythme de ce film (celui de Gondry cette fois) fou, inventif et délirant.

L’artiste au travail, le génie créatif en pleine émulation et comment celui-ci a intérêt à avoir un entourage professionnel accroché et prêt à tout, voilà dans une certaine mesure le sujet de ce film qui nous parle aussi, par une mise en abyme comme celles que le réalisateur affectionne tant, d’un tournage de cinéma,

de la nécessité de croire en la magie et au fait, qu’à la fin, celle-ci finira toujours par opérer. Il reste à souligner que ce nouveau film de Gondry est une pure comédie d’auteur qui vient avec élégance nous rappeler qu’il faut des esprits singuliers, bourrés d’imagination et pleins d’inventivité, pour offrir au cinéma l’originalité dont il a besoin pour continuer à nous émerveiller. Ce principe-là pourrait (devrait, d’ailleurs) lui aussi apparaître dans le Livre des solutions.

ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux